Un panneau acoustique support d’une œuvre d’art
Dans cette salle de réunion d‘une agence d’architecture, l’œil se pose puis s’attarde sur une succession de motifs noirs sur fond ocre, d’une irrégularité qui dit la main de l’homme, ponctuée de quelques accidents qui ouvrent les pensées. C’est un tableau accroché au mur. Mais c’est aussi un objet qui n’aurait pas existé sans une somme de rencontres, un panneau acoustique devenu œuvre d’art. Le support a-t-il une importance en lui-même dans le cas d’une œuvre ? En l’occurrence oui, car il donne une partie de son sens à l’œuvre.
C’est l’histoire d’un tableau.
Unique comme toutes les œuvres d’art, le tableau de la salle de réunion de l’agence Marjan Hessamfar & Joe Vérons architectes associés est également singulier par son support : il n’est peint ni sur une toile, ni sur un papier, mais sur le textile tricoté d’un panneau acoustique de Texaa.
C’est l’histoire d’une rencontre.
Celle d’un artiste, Philippe Jacques, avec l’architecte Marjan Hessamfar et les responsables de l’entreprise Texaa.
C’est en 2008 à la galerie Dartois aux Chartrons, à Bordeaux, que se croisèrent une première fois les protagonistes de notre histoire. C’est là que Philippe Jacques, également architecte et l’un des fondateurs du centre d’architecture arc en rêve, présenta pour la première fois ses travaux d’artiste : une série de dessins à la plume, de même format où « points, lignes, surfaces, envahissent l’espace. »
Le fondateur de Texaa fut séduit par ce travail. À travers ses produits textiles et acoustiques pour l’architecture, l’entreprise souhaitait apporter des possibilités toujours plus diverses aux préoccupations des concepteurs, y compris ornementales. À ce titre, il proposa à Philippe Jacques de travailler à partir d’une dizaine de ses dessins pour réaliser des petites séries « Noir & Blanc » par impression sur le tricot si particulier (et breveté) qui enveloppe et caractérise les panneaux acoustiques de Texaa.
De son côté, Marjan Hessamfar, de l’agence Marjan Hessamfar & Joe Vérons architectes associés, avait trouvé dans ces dessins des échos à sa propre pratique où la notion de rythme est fortement présente : « Nous avons une architecture qui utilise beaucoup le noir pour faire apparaître ou faire oublier ». L’un d’entre eux en particulier lui parlait : « J’utilisais le catalogue pour montrer ce dessin et expliquer que le rythme, c’est bien et important, mais que c’est l’accident qui révèle le rythme ». Elle le commente volontiers à ses associés et, un jour, l’évoque même lors d’une conférence à laquelle assistait l’artiste qui découvre là cette connivence.
C’est l’histoire d’une réalisation
Quelques années passèrent. Lorsque l’agence d’architecture réaménagea ses nouveaux bureaux en 2017, se posèrent bien entendu de nombreuses questions, habituelles pour un tel projet dans un bâtiment ancien – un hôtel particulier du vieux Bordeaux –, et notamment celle du traitement acoustique d’une grande salle de réunion. Marjan Hessamfar se souvint alors des « Noir & Blanc » de Texaa mais ni les modèles, ni les tailles, ni les spécifications techniques ne correspondaient à son souhait.
Restait la solution de commander une réalisation unique à l’artiste. Ce qu’elle fit.
Aucune des techniques précédemment utilisées n’était adaptée pour un produit unique. Assez vite, une fois le panneau choisi quant à sa couleur, sa taille et aussi ses futures performances acoustiques, il devint évident que Philippe Jacques devrait peindre directement sur le tissu tricoté, « pour de simples raisons pratiques », explique Matthieu Demptos, directeur de Texaa. Lui qui a plutôt l’habitude de dessiner comme on mène une réflexion intime, Philippe Jacques alla s’installer à l’atelier de Gradignan, juste à côté de Bordeaux, durant deux jours, au milieu des personnes et des machines qui fabriquent tous les produits Texaa : « Ce fut une belle expérience de travailler parmi des gens qui comprenaient mon travail, artisanal comme le leur. » Il lui fallut deux jours et 10 000 coups de tampons de peinture acrylique sur ses pochoirs.
Pour l’encadrement et la fixation, quelques échanges entre le bureau d’études et le designer de Texaa ont conduit à la réalisation d’un système spécifique. Dans le cadre en bois, le panneau respire grâce au vide dont il est bordé qui n’est pas sans rappeler le joint creux pratiqué par les architectes Marjan Hessamfar & Joe Vérons dans leurs réalisations.
Une fois séché, le panneau fut emballé et transporté. L’accrochage se déroula en deux étapes : le cadre fut d’abord fixé au mur puis le panneau y fut enchâssé.
Commença alors sa vie de tableau.
Qui devine qu’il est également un panneau acoustique et qu’il ne porte pas seulement les pensées et les rêves mais qu’il absorbe aussi aussi les paroles et les cris et les rires.
Aujourd’hui il est là, accroché sur ce mur.
*Aeria textile transonore selon un brevet exclusif Texaa