Une démarche radicale
4’ 33” est une pièce à vivre, aux limites de la performance artistique, et elle repose sur le comportement de l’interprète. Dans la note sur la partition publiée après la première représentation5, John Cage détaille les trois mouvements de la pièce, qui durent respectivement 30”, 2’ 23” et 1’ 40”. Mais, précise-t-il, il est possible de jouer ce morceau dans « n’importe quelle configuration » et « aussi longtemps que souhaité ».
Il offre ainsi à sa pièce une vie mouvementée, qui promet d’être ressuscitée à chaque nouvelle représentation. John Cage transpose ici, dans le domaine de la musique, certaines recherches menées dans les arts plastiques, comme celle de Robert Rauschenberg, l’un de ses amis peintre, qui avait produit une série de peintures blanches. Apparemment vides, ces toiles changeaient de ton en fonction de la luminosité de la pièce dans laquelle elles étaient exposées, ou en fonction de l’ombre des personnes qui les regardaient.
Pied de nez à l’industrie musicale, 4’ 33” reprend le format standard des chansons populaires (« Quatre minutes trente-cinq de bonheur… »). Sorte de degré zéro de la musique, elle en redéfinit un nouveau socle. Et l’on a d’ailleurs rapproché la durée du morceau (273”) de la mesure de la température, sachant que la température de 0 ° Kelvin est égale à – 273,15 ° C et correspond au zéro absolu.
Une autre théorie voudrait que 4’ 33” soit une sorte de ready-made à la manière de Marcel Duchamp : John Cage se trouvait en France lors de la composition de l’œuvre, et sur le clavier, en azerty, de sa machine à écrire, le 4 correspond au signe « ’ » et le 3 au signe « ” »…